Louis PAIN (1895-1986) n'a pas rédigé de carnet de guerre durant ses 4 années et 4 mois de front. Il ne nous a transmis que des témoignages - dont je trahis uniquement ses mots et non ses pensées (je n'avais que 14 ans à sa mort) - de cette douloureuse époque :
" Nous avons fait une guerre terrible ou des millions de personnes qui ne se connaissaient pas et n'avaient rien à se reprocher se sont entre-tuées à la place de nos gouvernants respectifs ; c'est eux qui auraient dû monter sur un ring de boxe pour s'expliquer !... ".
" Les Allemands ? Des soldats comme nous. Je me rappelle un jour, lors d'une trêve, nous nous étions rendus, avec quelques camarades, au village pris entre nos lignes respectives pour faire la corvée d'eau à la fontaine. Nous sommes tombés nez-à-nez avec quelques Boches ! Mais c'était la trêve donc pas de coup de feu. Nous avons sympathisé quelques instants le temps qu'eux aussi fassent leur corvée d'eau et nous avons joué aux cartes. Quand il a fallu repartir ; nous nous souhaitions à chacun bonne chance pour la suite et leur rappelions de rentrer leur tête... ".
"Les médailles ? Pour les gagner ? C'est simple... Chaque fois que je montais au combat, j'avançais et je rasais le sol. J'ajustais mon tir sur l'ennemi et lorsque j'avais tiré mes 3 coups de fusils, le " Lebel ", je me couchais au sol, je réarmais. Selon la situation je faisais le mort quelques instants ; puis je visais à nouveau les allemands et je tirais. Quand cela était possible, je ramenais toujours vers l'arrière un de mes camarades blessés au combat... ".
Souvenir des anecdotes retenues par mon père, Lilian DUMONT (1941- ), que Louis lui avait raconté sur sa grande guerre :
" Tiens ! Un jour, il m’en était arrivé une drôle… Alors que j’étais en train de patrouiller avec mes camarades et notre chef de groupe ; il a fallu que je m’arrête pour faire mes besoins au détour d’un bosquet. Et comme, la patrouille était rentrée sans moi au poste, je fus surpris par un officier allemand et cinq de ses hommes qui marchèrent à proximité de mon bosquet. Comme ils ne soupçonnaient pas que je m’y trouvais, je profitais de me rhabiller rapidement puis de bondir avec mon arme derrière leur colonne pour les mettre en joue avec mon fusil. Ils auraient pu riposter ; mais ils ne cherchèrent même pas à me résister et jetèrent d’eux-mêmes leurs armes au sol. Je les ai ramenés derrière nos lignes mais nos sentinelles postées ne s’aperçurent pas dans l’immédiat que je me trouvais derrière eux et que je les avais fait prisonnier ! Ce qui m’avait fallu de peu de me faire tuer avec mes boches par les nôtres ".
(Remise de la médaille de Chevalier de la Légion d’Honneur à Louis PAIN en 1980 à St-Martin-de-Crau – 13)